À l’occasion de la sortie de la dernière collection d’aquarelle artisanale créée par Mary de @atelier.couleurs.grenadine , j’ai eu envie d’en savoir un peu plus. Elle a gentiment répondu à mes questions et nous livre son parcours personnel ainsi que les coulisses de son entreprise haute en couleurs !
Comment as-tu découvert l’aquarelle ?
L’aquarelle est venue à moi un peu par hasard. Je m’étais déjà essayée, il y a de nombreuses années, à la gouache, au mix média, aux portraits au crayon à papier mais sans aller au fond des choses. Et puis, je dois l’avouer, j’ai traversé une période assez difficile lors de mon dernier emploi en tant que salariée, et je testais pas mal de chose pour évacuer le stress, notamment la guitare, la création de bijoux, la photographie etc.
J’étais fascinée à l’époque par certaines illustratrices que je suivais sur Instagram comme Fafi, une peintre graffeuse française avec un style hyper girly et coloré, Mag Graves également pour son univers très particulier et ses personnages fantastiques sortant parfois de mignons petits cauchemars, et pour finir Camilla D’Errico, une artiste de personnages féminins qui me faisaient penser, à l’époque, aux jolis visages des Charlotte aux fraises.
En 2018, je suis tombée sur la publicité d’une palette aquarelle nomade, et j’ai eu une folle envie de m’essayer à ce medium ! J’ai tenté quelques portraits en m’inspirant de ces artistes mais sans grand résultat. Je cherchais à progresser et je suis alors tombée sur les tutoriels de Marie tribulations. C’est là que mon aventure dans l’aquarelle commença vraiment.
D’où vient ton amour de la couleur ?
Déjà toute petite, j’étais fascinée par les couleurs qui m’entouraient, je me suis donc naturellement dirigée vers la photographie, mon premier amour. À l’adolescence déjà je ne sortais jamais sans mon appareil photo ! C’est si bon de pouvoir ainsi figer le temps et garder pour toujours les beaux souvenirs d’une époque avec de belles images qu’on a tant de plaisir à revoir. De par mon travail également, j’avais dans mes mains de nombreux livres jeunesse que je lisais au quotidien, et j’appréciais je pense tout autant que les p’tits bouts les belles images qui s’y trouvaient avec mes yeux d’enfants.
Qu’est ce qui t’as donné envie de te lancer dans la fabrication d’aquarelle artisanale ?
Quand je me suis lancée en 2021, cela faisait plusieurs mois que je cherchais à me réorienter dans un métier artisanal pour travailler à mon compte. Je comptais clairement quitter la fonction publique dans l’année.
À mes débuts, lorsque j’ai découvert l’aquarelle avec cette palette nomade, je n’utilisais aucune des couleurs pures, je faisais systématiquement des mélanges à même la palette, j’adorais ça et j’ai acquis au fil des semaines une aisance pour trouver la teinte exacte qu’il me fallait pour créer mes illustrations. Ensuite, avec ma palette Sennelier je continuais d’explorer les nuances que peut offrir le mélange des couleurs, une infinité de possibilité ! C’est naturellement que l’envie m’est venue de créer mes propres couleurs et d’aller encore plus loin dans ma créativité. J’ai aussi vu l’opportunité de pouvoir en vivre car les aquarelles artisanales ont eu le vent en poupe pendant les premiers confinements.
As-tu suivi une formation particulière pour apprendre ce métier ?
Absolument pas. À l’époque, je m’étais même pas posée la question ! Je suis allée sur Google et j’y ai vu de nombreuses recettes. Il a fallu plusieurs mois de recherches, de tests en 2020 avant de trouver LA recette idéale pour enfin proposer mes premières collections en ligne début avril 2021. Recette qui s’est d’ailleurs davantage améliorée les mois qui ont suivis
Comment fabriques-tu tes aquarelles, les différentes étapes (sans nous divulguer tous tes secrets) ?
À la fabrication, l’aquarelle demande très peu d’ingrédients mais exige un dosage hyper précis ! Mes aquarelles sont réalisées avec des pigments extra fins, que j’achète principalement chez des fournisseurs français et européens, cependant il faut savoir que mes pigments peuvent provenir de partout dans le monde. J’utilise également du miel d’acacia qui se trouve être idéal pour ce medium car il est très doux et reste liquide longtemps sans cristalliser. Le mien provient d’une apicultrice normande « Les ruchers de Normandie » une petite entreprise de 4 personnes passionnées et respectueuses travaillant dans un circuit court. Certes, son coût n’est pas bon marché mais pour rien au monde et malgré son augmentation ces derniers mois, je ne le changerai ! Il me faut ensuite de la gomme d’acacia que j’aime à utiliser pure, en très gros morceaux, celui que j’utilise depuis également 3 ans est achetée en Europe et provient de plantations d’arbres d’acacias au Sénégal. J’ajoute enfin à la composition de l’eau distillée, de la glycérine végétale et des huiles essentielles.
Je commence par préparer mon liant en laissant fondre à température ambiante la gomme arabique et l’eau distillée, cela peut prendre 2 jours entiers. Lorsque la gomme est complètement fondue je lui ajoute le miel et les huiles essentielles.
Ensuite je pèse les pigments (au gramme près, je ne mesure jamais à la cuillère) et j’ajoute mon liant également pesé. Chaque pigment est différent et va demander selon sa consistance une quantité précise de liant afin de lui donner une texture ni trop liquide ni trop épaisse. Vient ensuite le moment du broyage qui peut être aussi diffèrent en fonction du pigment choisi et de la quantité bien sûr ! Savoir s’arrêter à l’œil, lorsque les grains ont disparu c’est ok ! Et pour la touche finale, je mesure une infime quantité de glycérine végétale et de miel afin d’ajouter davantage d’onctuosité, de brillance et ainsi améliorer les fusions sur le papier. Une fois la peinture prête, je n’ai plus qu’à remplir mes godets ! 4 à 5 couches sont essentielles pour laisser le temps à l’eau de s’évaporer et ainsi avoir un godet bien rempli qui ne se creuse pas. Cela évite aussi que trop de petites bulles ne restent coincées à l’intérieur. J’aime à ce que mes godets soient bien gourmands et lisses, c’est pour cela que je pèse tous mes ingrédients pour être la plus précise possible afin d’éviter une peinture trop sèche qui fissurerait le dessus ou trop collante. Chaque couleur à l’atelier à sa propre recette avec des quantités de liant, glycérine, miel propre à elle. Cela a demandé de nombreuses heures de tests en amont pour ainsi offrir la meilleure qualité possible tant au niveau de l’utilisation de la peinture qu’au niveau esthétique qui a tout autant son importance pour moi.
Quelles sont tes sources d’inspiration pour créer tes sets ?
L’inspiration peut venir de partout ! J’ai plusieurs méthodes pour créer mes collections et mon mood du moment joue très souvent sur les thèmes que je crée.
Parfois je tombe sur une magnifique photo sur internet et une palette de couleurs peut apparaitre ou je m’en sers comme base pour m’en inspirer.
J’essaie parfois de créer des couleurs en rapport avec les saisons mais pas toujours. Néanmoins, j’évite au max de proposer des teintes trop sombres l’été ou trop printanières en plein hiver
Je peux également me demander ce qu’il manquerait comme teinte à l’atelier, une couleur que je n’aurais pas encore et ensuite à partir de cette seule couleur je crée l’ensemble. J’écoute aussi les demandes de ma communauté.
J’ai aussi beaucoup d’idées de thèmes de collections en tête, j’adore m’en inspirer et partir de là pour créer une harmonie de couleurs comme pour le set Flash-back ou Complainte funeste.
Et lorsque le temps me manque j’ai également quelques recettes de couleurs déjà prêtes que je peux ainsi harmoniser entres elles et créer une nouvelle palette.
Comment trouves-tu les jolis noms de tes sets ?
Ah ! Je crois que c’est une tache dans mon travail que j’aime tout particulièrement et j’y mets tout mon cœur. C’est un peu l’aboutissement d’une idée voire même de tout un mois de travail car parfois les couleurs sont créées avant d’avoir une idée de thème. Je crois même avoir une préférence avec ce dernier, pouvoir m’imprégner totalement d’une palette de couleurs pour lui trouver le thème parfait.
Les mots ont une profonde importance pour moi tant à l’écrit qu’à l’oreille. Je recherche une harmonie totale entre les deux. Alors ça ne fait pas forcement écho à tout le monde mais je pense qu’on peut ressentir du plaisir à entendre un mot, et penser que les mots peuvent être tout aussi harmonieux entre eux que des couleurs entre elles. Comme pour les noms de mes collections ou de mes couleurs, il faut que ce soit fluide et doux, comme une mélodie, ou une émotion. J’aime que ça raconte une histoire.
Et mes recherches prennent de longues heures ! Souvent plusieurs jours ! Je note, je note des milliers d’idées sur mon carnet. Parfois je crois avoir trouvé, et finalement je reviens dessus quelques temps après et je change tout ! Plusieurs thèmes peuvent être abordés et je peux tout changer au dernier moment C’est souvent aussi pour ça que j’envoie tardivement mes planches d’échantillons à mes ambassadrices car j’aime être sûre. Je veux que ce soit parfait… Et je crois surtout ne pas aimer les choses trop simples haha
Quel est ton best-seller ? Et ton set préféré ?
Le best-seller de l’atelier a longtemps été “6 Nuances plus sombres” avec ses 6 teintes hyper pigmentées, duochromes et/ou à granulations. La collection automnale “Au détour d’un chemin” avec une belle harmonie de couleurs végétales a également eu beaucoup de succès. Chaque année il y a un set qui se démarque vraiment. De mon côté j’ai toujours du mal à en préférer un à un autre, c’est un peu comme mes bébés et c’est difficile de choisir parmi 22 collections aujourd’hui ! J’aime beaucoup le set “Sous le soleil exactement” et “Complainte funeste”.
Quelles valeurs souhaites-tu transmettre à travers ton entreprise ?
Une qualité toujours au rendez vous ! Partager avec mes clientes est très important pour moi, autant pour le côté humain et les riches échanges au quotidien que pour continuellement chercher à m’améliorer. Ce qui m’aide d’ailleurs à connaître les envies et ainsi répondre au mieux aux besoins de ma communauté. J’essaie d’être la plus transparente possible autour des différents aspects de mon activité en gardant juste une infime partie secrète comme les recettes de mes couleurs par exemple.
Être une femme entrepreneure entourée principalement de femmes créatives et inspirantes me donne beaucoup de force et de fierté au quotidien. Je ne me considère pas comme une simple artisane vendant ses produits, mais comme une passionnée vendant du plaisir, des p’tits bonheurs qui donnent le sourire. D’ailleurs ma plus grande réussite professionnelle aujourd’hui est de voir le plaisir de ces femmes à créer, à travers leurs jolies aquarelles.
Des projets que tu souhaites nous partager pour la suite de ton activité ?
Pas de grands projets prévus dans les mois à venir mais plutôt de nombreuses idées créatives à mettre en place avec des choses innovantes. Les idées ne cessent de naître, faut-il encore avoir le temps !
Retrouvez toute l’actualité de Mary sur son site !
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